Escadron BRAVO & Cie

A pierre fendre            En Word en PDF

          En février 1980, nous sommes à nouveau en « intensive » en vue du CHALREC ayant lieu en avril.

          Cette semaine sera la première d’une longue succession d’exercices qui doivent amener l’escadron à un niveau maximum de préparation.

           Nous avons fait mouvement en colonne pour arriver dans ce bois assez dense en vue d’une prise de bivouac tactique.

           Chaque peloton prend position dans la portion du périmètre lui ayant été assignée de manière à couvrir le secteur mais la densité de la végétation est telle que certains n’ont qu’un champ d’observation limité.

           Nous savons cependant que le principal ennemi cette nuit sera le froid sachant qu’il est exclu faire du feu et que nous ne pourrons faire tourner les moteurs de nos véhicules que 20 minutes toutes les deux heures juste pour charger les batteries.

            Comme à l’accoutumée nous déroulons les fils téléphoniques de manière à nous raccorder au PC puis nous restons dans ou à proximité des véhicules.

            Entre temps la nuit est tombée, nous allumons les « IL *» et grignotons un peu de nos rations one/one.

           Vers 19h00 le téléphone EE8 grésille pour nous signaler que l’OGp**  sera donné dans trente minutes au PC.

            Peu après, porte carte sous le bras, vigneron et masque antigaz  en bandoulière je me fraie un chemin jusqu’aux deux « Spartans » B66 et B55 accouplés cul à cul par leur tente au centre du dispositif.

            J’écarte la bâche servant de porte et je retrouve mes collègues dont certains sont déjà occupés à marquer leur carte et d’autres à profiter de la chaleur émise par la « galette »        branchée sur une bouteille de gaz.

          Malgré le froid il règne dans ce PC un esprit chaleureux unique et typiquement « Recce » que j’aurais du mal à expliquer.

          Notre commandant d’escadron débute son briefing mais nous remarquons d’emblée qu’il n’est pas trop en forme.

           Celui-ci nous explique que pour être sûr d’être vaillant à notre tête pour la période à venir, il a décidé de se faire vacciner contre la grippe.

           Cela n’a malheureusement pas l’effet escompté puisque le voilà dans cet état qu’il voulait précisément éviter.

            Mais qu’importe!, son caractère de battant reprenant le dessus il donne son ordre de manière magistrale allant même jusqu’à faire une plaisanterie à l’égard de B75*** dont l’épouse est sur le point d’accoucher.     Je cite B6 : « Alors le petit voltigeur n’a pas encore débarqué ? »

           Cela nous fait tous bien rire et surtout l’intéressé en passe d’être papa pour la deuxième fois mais qui est cependant présent sous cette tente.

           Sans le savoir cet esprit va nous accompagner jusqu’à la fin de cette dure nuit où personne n’aura dormi, oscillant entre rotation des moteurs toutes les deux heures et observations à l’IL à tour de rôle.

            Je n’oublierai pas ces poignées d’écoutilles triplées de volume par la combinaison de nos respirations et du froid qui serait descendu à -27° cette nuit-là.

           Le soleil revenu aura tôt fait de nous réchauffer annonçant un printemps qui verra nos efforts récompensés par le trophée du meilleur escadron…

Qui sait pourquoi certains moment difficiles deviennent ensuite de bons souvenirs ? 

à Alfons...

CENIER Maurice 21/11/2020

*Intensificateur de lumière

** Ordre

*** Adjoint du peloton « voltigeurs »