Une aube char
Une aube char, en Word
Il est 05 (Z) heures du matin,
La tête appuyée sur le protège front du périscope 75, j’essaie de résister à la torpeur qui m’envahit.
La radio bourdonne mais est muette depuis hier soir alors que nous prenions cette position dans les buissons bordant un chemin sur le flanc d’une colline boisée.
J’en suis à mon premier FTX dénommé « Black control 4 » en avril 1976.
Pour cet exercice je suis temporairement Bravo Four Two (B42) sous les ordres d’un adjoint de peloton très expérimenté « Jean ».
Mon Scimitar et son Scorpion sont séparés d’une cinquantaine de mètres et notre secteur balaie une large vallée transverse parcourue en son centre par une route nationale.
Puis entre sommeil et réalité je commence à observer à plusieurs kilomètres des lumières que j’identifie immédiatement comme étant celles de
CVR-T’s qui descendent vers la route.
J’envoie mon rapport d’observation et demande à mon canonnier de suivre ce qui ressemble à notre « ennemi » du jour qui commence à se lever.
Les activités augmentent et je peux observer plusieurs véhicules ayant atteint la route en plusieurs points de notre secteur.
A cette époque, nous ne disposons pas encore des obus 76 mm Blank ni même d’appareil de tir à blanc pour la mitrailleuse MAG* et c’est avec notre PLF** que nous simulons le tir canon.
Un Scorpion m’offre son flanc en progressant sur la route, je tire une fusée et au même instant le véhicule dévie sur sa gauche.
BOUM ! Je distingue une gerbe de verre pulvérisé, celui d’une Ford Capri dont le conducteur avait décidé de faire une manœuvre de dépassement.
Il n’y a aucun blessé cependant le flanc droit de la voiture a été déchiqueté par la chenille du CVR-T et le conducteur groggy contemple sur la route la portière qui risque de ne plus jamais fermer.
Tout ceci n’affecte pas la détermination de nos assaillants constitués d’un peloton de l’escadron recce para commando qui malgré nos tirs commence à investir le secteur sans trop se soucier de la tactique.
Sautant d’un unimog une poignée de gaillards bardés de bandes de munitions 7,62mm montent à l’assaut de nos deux véhicules.
Mon adjoint de peloton ne leur laisse aucune chance, il a fermé ses écoutilles et fait bouger son véhicule pour empêcher sa prise.
Voulant l’imiter, je ferme la mienne et demande au chauffeur de démarrer mais mon canonnier n’arrive pas à s’enfermer à temps.
Il est extrait de la tourelle et un para commando style Rambo s’installe à sa place m’ordonnant d’emblée de lui donner mes cartes et munitions.
Non sans aplomb je lui réponds froidement qu’il n’aura rien et je l’invite à débarquer, ce qu’il finira par faire non sans avoir encore essayé de m’intimider pendant plusieurs minutes sans succès.
Après avoir été neutralisés quelques temps nous continuons cet exercice qui restera celui où j’ai commencé à apprendre mon métier aidé en cela par des personnages hors du commun.
Les adjoints de pelotons les plus anciens constituaient une ossature très efficace au sein des escadrons de combat.
La continuité de la formation des jeunes comme je l’étais se faisait sans qu’aucun ordre n’aie besoin d’être donné.
Maurice CENIER le 09 mai 2016
*Mitrailleuse à Gaz 7,62 mm, pour pouvoir tirer à blanc nous placions une pièce de 1 pfennig entre le cache flamme et le canon.
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